SKIN & BONE: Outside Looking In... (CD – 2005)

Titles :
01 - Carry Me
02 - Ladybird
03 - Blues In The Night
04 - Kind Love
05 - W.W. III Blues
06 - All That's Left Is The Rain
07 - Protest Song
08 - Take Good Care Of My Baby Tonite
09 - Better Day

Musicians :
Tim Kelliher - guitar & vocals
Juan Perez - drums & percussion
Gerry Wilhelm - vocals & bass
Bill Delk - keyboards
Mike Beausolie - bass
Rick Birkbeck - bass & second vocal on 06

Skin & Bone, vous connaissez? Au regard de la pochette, volontairement hideuse (!), on pourrait s'attendre au pire, mais un indice rassurant attire immédiatement l'œil : le guitariste du groupe qui a écrit tous les morceaux de l'album se nomme Tim Kelliher, qui ne sait pas encore qu'il ne tardera pas à sortir un excellent album avec Michael Galloway. Eh oui, les morceaux de cet album sont bien écrits par la moitié de Galloway & Kelliher! Alors, que vaut cette galette où interviennent tour
à tour trois bassistes différents ?

Amateurs de rock sudiste endiablé, passez votre chemin : cet album risque de vous ennuyer.
Mais son attrait est ailleurs : son style décontracté recèle quelques perles quelque part entre
Tom Petty, Bob Dylan, George Harrison, les Travelling Wilburys (bien sûr!) et même les Beatles!
Le jeu de slide de Tim Kelliher rappelle ici de manière troublante celui du regretté George Harrison, l'omniprésence des guitares acoustiques en rythmique, soutenues par l'orgue, nous ramène tantôt vers des atmosphères "dylanesques" (manque l'harmonica du père Galloway pour que l'illusion se complète!), tantôt vers Tom Petty ou les Travelling Wilburys, et les compositions ici présentes laissent une part majeure aux ballades. On ne va donc pas jouer les excités!

Le disque s'ouvre sur "Carry Me", qui accumule agréablement les convergences avec la tendance Tom Petty/ Bob Dylan/ Byrds, avec ses guitares en carillon et son solo de douze cordes électrique. Lui succèdent "Ladybird", ballade très acoustique, solo de guitare compris, puis "Blues In The Night", tubesque rock mid-tempo servi par une excellente guitare rythmique qui balance bien et par une guitare saturée libre qui s'offre deux soli gorgés de feeling.

Ensuite, le temps(o?) vire à la ballade avec trois titres du genre : "Kind Love" se distingue surtout par un excellent solo de guitare sur le micro grave, "W.W. III Blues" introduit une touche bluesy avec ses deux dobros, dont un orne le morceau d'un riff entêtant qui continue à vous vriller les neurones longtemps après la fin du morceau, et vire à la complainte douloureuse permettant à une voix traînante de déverser sur fond d'orgue une diatribe "dylanesque". L'atmosphère reste proche avec "All That's Left Is The Rain", ballade mélancolique à la Tom Petty, accompagnée cette fois par un piano et peuplée à nouveau d'une slide "harrisonienne", et d'une partie soli originale.
Avant que l'auditeur ne pique du nez, bercé par une douce torpeur, démarre "Protest Song", rock volontaire soutenu à nouveau par une rythmique guitares acoustiques/ orgue et se terminant par un inédit solo d'orgue. Le disque se termine par une ode à la slide à travers deux morceaux :
"Take Good Care Of My Baby Tonite" retourne du côté des ballades, encore avec une rythmique acoustique et de l'orgue, mais cette fois-ci le premier solo est confié à l'orgue tandis que le solo final met en scène une partie de slide bien sympathique. Enfin, comment ne pas penser
à "Free As A Bird" en écoutant ce "Better Day" ? Mêmes accords de piano plaqués, même slide remarquable, tempo voisin et arrangement à la Wilburys/Harrison, très proche bien sûr de l'univers des Beatles.

Au final, on a un disque plutôt cool mais sympa, aux vocaux tranchant peu sur l'ordinaire,
à la production limitée, certes, on sent le manque de moyens, mais où perce déjà Kelliher le compositeur. Et le tout est bien agréable à écouter, en particulier pour les amateurs de slide
à la Harrison. En plus ma femme aime, c'est tout dire…

Y. Philippot-Degand

SKIN & BONE: Blues In The Nite (CD – 2006)

Titles :
01 - Rattlesnake
02 - Another You
03 - Blues In The Night
04 - Hole In The World
05 - Land Of The Sun
06 - Bird's Blues
07 - Crazy Women
08 - Madhouse
09 - Outbound
10 - Real Love

Musicians :
Tim Kelliher - guitar & vocals
Ronnie "Byrd" Foster - drums & vocals
Gerry Wilhelm - bass
Bill Delk - keyboards

Deuxième galette de notre "peau et os", un an après la première et juste avant l'explosion Galloway & Kelliher. Les musiciens ont changé. Seuls subsistent ici Gerry Wilhelm, qui monopolise cette fois la basse, Bill Delk aux claviers et bien sûr le Boss Kelliher. Juan Perez a laissé le tabouret du batteur à Ronnie "Byrd" Foster qui présente l'avantage de savoir chanter,
et peut donc appuyer son patron dans cet exercice difficile.

D'emblée, on est mis au parfum : ce disque là sera bluesy, honky tonk, puera la bière et les aisselles, sans pourtant franchement forcer le tempo. Exint (ben oui, j'accorde…) les ballades (enfin presque), bonjour le blues-rock de derrière les fagots pour les buveurs affalés sur le comptoir du bar. Et ça démarre sur un bon rock'n honky tonk roll avec slide et piano sautillant. Disparues les guitares acoustiques en rythmique : ça vire à l'électrique et les soli voient se succéder piano et slide dans la meilleure tradition. A la place des ballades du précédent album,
on tape ensuite dans le blues lent typique, déchiré à souhait, où une guitare crunchy vient amèrement se plaindre sur fond d'orgue. Et ça continue par un clin d'œil : coucou le revoilou!

C'est notre tubesque "Blues In The Night", toujours aussi sympa, toujours en troisième titre du disque, mais dans une version un peu différente, puisque cette fois, Gerry n'est pas crédité au chant (Ronnie?) et que les arrangements ont bien sûr un peu bougé avec le batteur.
Mais on le reconnaît bien quand même! Et en plus, il donne son nom, très approprié, à l'album.
Nouveau clin d'œil : la carillonnante intro de "Hole In The World" aboutit en fait sur une ballade (enfin une!) lente et nostalgique. Histoire de dire qu'on sait toujours faire… Changement de climat : "Land Of The Sun" donne dans le swing blues tranquille mais rythmé, plus ou moins jazzy, traité plutôt acoustique, avec un solo de guitare sur le micro grave, façon jazz. Et on repique dans le blues tranquille avec "Bird's Blues", d'un classicisme de bon aloi, bâti autour d'un motif de guitare comme les morceaux qu'aimait autrefois interpréter Luther Allison, pour ceux qui ont connu.

L'occasion est rêvée pour placer un solo d'orgue et le morceau se termine avec un solo de guitare impeccable, dans la plus pure des traditions de ce genre de blues. Une intro pétaradante nous fait dresser l'oreille : "Crazy Women" démarre et trouve rapidement un rythme de croisière plus modéré maintenu par une batterie métronomique et un piano aigrelet : ça c'est du honky-tonk typique et bien foutu dans sa structure mais la voix est curieusement mixée un peu en retrait. On se prend
à rêver à l'usage que pourrait en faire par exemple un Dan Baird des grands jours. Le réjouissant solo de piano laisse progressivement place à la guitare pour une fin, euh… bien dans l'esprit,
si vous voyez ce que je veux dire! La slide revient au premier plan, lancinante, et cette fois accompagnée d'un clavinet, pour "Madhouse", un blues-rock agréable qui sinon n'aurait rien de particulièrement remarquable. Ça se complique avec l'ambitieux "Outbound", blues funky tranquille et désabusé qui tire vers la West Coast avec sa doublette orgue/ piano électrique et ses cocottes de guitare. On remarque le dialogue orgue/ guitare en solo et les paroles empreintes d'un noir désespoir. Heureusement pour ceux qui sont entrés dans ce texte, l'intro dynamique de "Real Love" vient changer l'atmosphère, malgré des paroles toujours aussi pessimistes. Mais là, c'est du sudiste, du vrai. Une véritable petite pépite qui souffre pourtant du manque de moyens, malgré les interventions de bon niveau de l'orgue de Bill et de la guitare de Tom : quel titre cela aurait pu être avec une meilleure production, avec les Honkettes à pousser derrière, ou tout bonnement des chœurs sur le refrain, avec des prises de bec entre guitaristes, avec des petites notes placées ici ou là pour relancer la machine!… Mais bon, on n'est pas dans le disque d'une "grosse machine" du rock sudiste : juste dans celui d'un petit groupe dont le (bon) guitariste a des talents certains pour la composition. Mais rien que ce titre mérite qu'on s'intéresse à son cas, ce qui a été fait pour le disque suivant avec Galloway. Le morceau comme le disque se terminent sur une curieuse coda, c'est certes original, mais ça laisse aussi un peu perplexe…

Ce disque tout à fait différent du premier opus du groupe n'en réjouit pas moins les oreilles malgré un évident manque de moyens. Kelliher s'affirme comme un redoutable compositeur et un guitariste de bon niveau, en particulier à la slide, jamais en manque de feeling. Ceux qui ont aimé le Galloway et Kelliher vont pouvoir tendre avec intérêt l'oreille vers cette galette remplie de promesses, en ne perdant pas de vue non plus la différence de moyens entre ce disque et le dernier Skynyrd : on ne joue pas dans la même catégorie, mais j'en connais certains pour qui ce n'est pas forcément rédhibitoire, au contraire!

Y. Philippot-Degand